On dit de moi que je suis • Il exerce officiellement le métier de consultant. ϟ Il s'est adapté très rapidement à la technologie et à tous les changements de l'ère moderne, qu'il trouve absolument géniaux. ϟ Il est très intelligent et très malin, particulièrement quand cela sert ses intérêts. ϟ Il est souvent de bonne humeur, ne grommelle jamais. ϟ Il déteste qu'on lui résiste; son tempérament de roi ne l'a pas quitté à son arrivée à Pandore. ϟ Il ne supporte pas la trahison. ϟ Il se drogue, et déteste qu'on pointe du doigt cette addiction. ϟ Il a une libido à toute épreuve, n'aura aucun scrupule à tromper ses amants, mais tout de même tendance à avoir un favori. ϟ Il se joue de la police et mène son trafic froidement et impitoyablement ; il n'a pas de remords à tuer. ϟ Il aime les animaux, et tout particulièrement les corbeaux, qu'il dresse et avec lesquels il peut converser. ϟ Il déteste être humain, encore plus de savoir qu'il est une fiction inventée par les hommes.


Mais au premier abord je suis • Réincarné dans le corps d'un homme mûr aux cheveux si blonds qu'ils paraissent argentés, Odin garde cependant une carrure impressionnante non pas par sa taille -il est assez petit pour un dieu- mais par sa prestance et son charisme. Ses yeux au contour rougis à cause de la drogue sont très pâles et donnent l'impression d'avoir affaire avec un cadavre. Cependant c’est son sourire qui est le plus remarquable, celui qu’il a très souvent : ses lèvres très fines s’étendent en une mimique amusée qui semble pourtant assez inquiétante ; ainsi on ne sait pas quand il est de réelle bonne humeur. Il aime beaucoup jouer avec cette ambiguïté, qui force ceux qui lui font face à être toujours prudents.
En effet, il dégage une aura de dangerosité latente et inquiétante. Il reste assez puissant, et a gardé une grande force  qui n'est pas évidente à cerner au premier abord. Son corps a gardé l'expérience des combats et il a des très bons réflexes. Ses traits noueux témoignent qu'il a bien vécu, et une cicatrice barre ses lèvres fines, premier cadeau qu'on lui a offert à son arrivée à Pandore.
Quand aux bijoux, il aime à montrer que malgré tout il a su réussir dans son après-vie, et il porte souvent une montre à gousset chère, ainsi qu’un piercing sur la lèvre inférieure, et un anneau à l’oreille. Odin soigne aussi beaucoup son image et adore les costards, gris de préférence. Il se balade toujours avec un couteau papillon sur lui, pour pouvoir se défendre en cas de danger. De plus il se balade toujours avec deux corbeaux, qui lui rapportent tout ce qui se passe dans la ville ; enfin tout ce qu’ils peuvent voir en tout cas.

« Au début, il y avait le monde. Le monde était chaos, le monde n'avait pas de maître, le monde n'était que glace et feu.

- C'était le Muspellheim de flammes et le Niflheim de glaces, maman ? »

Odin transperce un géant de sa lance. Le sang éclabousse sa tunique de cuir, déjà tâché par le liquide vital de ses ennemis. Il brandit Gungnir, ruisselante, et a un sourire victorieux. Il est en train de combattre, il déchaîne ses pouvoirs, alors il va gagner. Il est le dieu de la victoire après tout. Il va conquérir, tuer, battre. Il sera victorieux.

Autour de lui le monde s'effondre peu à peu, mais il ne s'en rend pas compte. C'est le Ragnarök, la fin du monde tel qu'il l'a connu. Mais il est concentré sur le combat.

Tuer.

« Oui, mon enfant. C'étaient ces deux royaumes. Ils étaient séparés par large précipice, qui empêchait le givre et la chaleur de se rencontrer. Mais le givre et la glace s'aimaient très fort. Alors elles envoyèrent de la neige et des étincelles se rencontrer au dessus de la fosse, et il en sortit la vie. Un grand géant appelé Ymir, qui fit de lui-même des enfants, allaités par une vache nourricière née de la glace.

- Et ces enfants, maman, qui étaient-ils ? »

Les deux loups, Geri et Freki, arrivent à ses côtés. Ils ont les babines frémissantes, rouges, la langue pendante en un sourire inquiétant. Odin les regarde et les flatte de sa main libre, indifférent à la bataille qui se conduit autour de lui. Il s'en fout, il vaincra.
Un corbeau croasse au dessus de sa tête et Odin entend dans sa tête la douce pensée de Hugin, qui survole le champ de bataille d'un battement d'aile néfaste et l'avertit de l'arrivée des renforts du côté ennemi.
Loki arrive.

Une mimique meurtrière se dessine sur le visage d'Odin.
Celui-là va souffrir, il le jure.

Ce traître.

« Ces enfants, ce sont les géants. Ils sont forts et ils sont nombreux, mais ils sont vils de nature. Ils ont le cœur froid comme la glace qui est leur habitat. Ce sont des créatures cruelles que Ymir protège ardemment. Mais soudainement, tandis que la vache nourricière lèche la glace, elle libère un Dieu, Buri, qui enfante lui-même Bur. Bur s'unit à une géante et il eut trois fils, tout aussi divins que leur père : Vé, Vili et Odin.

- C'est papa !

Oui, mon fils, c'est ton père. »

Un cri rauque s'échappe de sa gorge. C'est le cri de la guerre, le cri du roi des dieux qui ordonne à ses armées de combattre jusqu'au bout. Le cri qui sonne le début de la fin du monde.
"Baldr !"
C'est au nom de son fils qu'il combat dans le Ragnarök, au nom de son fils qu'il affronte Loki et son armée de géants et de morts. Au nom de son fils, dieu du bonheur et du sourire. Au nom de celui que Loki a lâchement tué.
Pour lui il va se battre et abandonner sa sagesse infinie, se livrer à la barbarie et gagner contre ses adversaires.

Quitte à tout détruire.

« Odin et ses frères avaient vu que les géants étaient mauvais, alors ils leur déclarèrent la guerre. Ils tuèrent Ymir, vainquirent l'armée des géants, et avec le corps d'Ymir créèrent de nouveaux mondes, formant le monde tel qu'il est aujourd'hui : en haut Asgard, demeure des dieux, au milieu Midgard, la terre des humains, des nains et des elfes, et en bas, Helheim, le monde des morts.

- Mais qu'est-ce que le Svartalfheim, le Ljösalfheim, et tous les autres, alors ?

- Ce sont les mondes qui se créèrent pour habiter les différentes créatures vivantes, mon enfant. Les nains, les elfes, les hommes, les géants, et les Vanes. Mais c'est une autre histoire. »

Odin fait face à Fenrir. C'est un loup gigantesque, plus grand que ses propres protégés. Sa fourrure est noire, ses yeux rouges étincelant. Il a la fourrure hérissée, les crocs sortis. Odin le toise, la lance en main. Il n'a pas peur. Le roi des dieux ne craint personne. Son unique oeil brille de fureur. Pas loin, Loki se bat contre Heimdall. Thor brandit Mjollnir, son marteau.
Odin lance un cri à Fenrir, et se rue vers lui.

Morsure, trébuchement, cri de détresse. Pour la première fois, Odin connaît la peur.

Tout autour, le monde meurt avec lui.

« Mais mère, qu'est-il arrivé à père ensuite ?

- Il a régné, mon fils. Il a créé les hommes, leur a ordonné de veiller sur les créatures vivantes. Il a remis à sa place les Vanes vaniteuses, il a planté Yggdrasil pour soutenir le monde, il a sacrifié un oeil pour atteindre la sagesse, il est devenu père de tous les dieux, et il a présidé Asgard avec vertu. Il a fait tes frères et sœurs, et il m'a épousée, moi, Frigg. Il a accueilli les valeureux guerriers à Asgard et conduit les mort dans leur nouveau royaume.

- Mère, est-ce que père mourra un jour ?

- Jamais, Baldr. Tant que tu seras là, il règnera sur les neufs mondes.

- Et si je meurs ?

- Ça n'arrivera pas. Qui donc voudra souhaiter ta mort ? Après tout tu es la petite lumière qui nous guide tous. Tu es la lumière, l'amour, la beauté et la jeunesse. Tu es le bien. Tu es mon fils. »

Odin ouvre les yeux. Il est dans une ruelle. Il se sent faible. Il a envie de vomir. Il n'arrive même pas à se lever. Il a l'impression que le monde tourne autour de lui. Il se sent amputé de tout. La puissance qui l'habitait a disparu. Les millions de pensées qui valsaient dans son esprit ont disparu. La léthargie est terrible.
Il a l'impression que quelque chose le tire vers le fond.

Des têtes se penchent par dessus-lui, méprisantes.

"Heh, toi, qui est-tu ?"

Il les regarde, la voix rauque, défaillant. Il comprend à moitié de ce qu'on lui dit. Il papillonne des yeux.

"Odin...
- Un Indépendant ? Quel connard. Venez, on lui monte qu'il vaut autant que nous."

Un coup de poing, deux, trois. Un coup de pied. Un coup de couteau qui s'enfonce profondément dans sa lèvre. Douleur. Douleur. Il a mal. Il n'a jamais eu autant mal. Même quand il s'est pendu à Yggdrasil, sa lance dans le corps, pour rapporter les runes aux dieux et aux mortels, il n'avait  pas eu aussi mal.
La douleur le traverse de part en part, et il s'évanouit. Puis il erre dans les rues de la ville comme une âme en peine. Il découvre la drogue, qui l'enlève un instant au monde des mortels pour le ramener à celui des dieux. Il retrouve Asgard dans son esprit, et cela lui suffit à  peine.

Et puis sa nature conquérante reprend le dessus. Il s'empare du trafic de la ville, il domine, il règne. Mais ce n'est pas comme avant. Ca ne sera jamais comme avant.

Il n'est plus un Dieu.